09 février 2009
Où en est le mouvement social dans les DOMs ?
Nuages à l'horizon et dépression tropicale pour Sarkozy (Photo : Grande Anse, Deshaies par lepoireaurouge)
Cet article dans Le Monde fait le point de la situation en Guadeloupe et en Martinique - entrée depuis peu dans la bataille. Quant à la Guyane, le mouvement "ne fait que commencer".
Quoiqu'il en soit, les travailleurs de ces territoires colonisés - mais bénéficiant du statut de départements d'outre mer! - ont montré leur force et donné une belle leçon de combativité. Il est clair qu'une des raisons est bel et bien la mémoire de l'esclavage et de la servitude que la classe ouvrière de ces pays a subie pendant des siècles, et leur prolongement aujourd'hui sous forme de racisme, d'émigration forcée et de sur-exploitation (au pays comme en métropole).
Une autre raison est sans doute l'absence d'une bureaucratie syndicale forte - ou son éloignement en métropole - capable de gérer de tels conflits et d'arrêter le mouvement dès qu'il prend un caractère dangereux pour la 'cohésion sociale'.
Les conflits sociaux - très nombreux mais en général d'une portée limitée - ont depuis toujours un aspect explosif dans les DOMs, qu'on peut considérer comme une véritable poudrière (nous l'avons vu également à la réunion et en Polynésie). Il existe une lutte constante, parfois larvée parfois ouverte, non seulement pour des améliorations du niveau de la vie mais pour la dignité et la reconnaissance de la spécificité de la société antillaise (guyanaise, réunionnaise, polynésienne ...).
Mais les divisions de classe traversent également la société antillo-guyanaise. La solidarité des travailleurs et des petits exploitants se heurtent à la résistance non seulement des 'békés' martiniquais et des profiteurs métropolitains ou endogènes ('syriens ...') mais aussi du patronat antillais et leurs représentants. Ceux qui sont payés par l'Etat français (fonctionnaires) ne voient pas toujours d'un bon oeil les revendications de ceux qui survivent dans les interstices d'une économie dont personne ne comprend le véritable fonctionnement (circuits de distribution opaques, économie parallèle, détournements en tous genres ...).
La classe ouvrière guadeloupéenne, martiniquaise et guyanaise est également composée de travailleurs originaires d'autres pays des Caraïbes (Haïti, Commonwealth of Dominica ..) voire de plus loin, qui sont souvent objets de racisme de la part des 'autochtones'. "La Guadeloupe est à nous, elle n'est pas à eux" est un slogan qui rassemblent aujourd'hui les exploités contre les colonialistes, les grands patrons et les grosses sociétés étrangères (Total ...). En d'autres temps - en cas de défaite ou démoralisation par exemple - il peut être détourné par des démagogues locaux et dirigés contre les immigrés venus de pays encore plus pauvres.
Ce qui est sûr est que ce conflit, qui est loin d'être réglé à l'heure actuelle - va marquer l'histoire des DOMs et leur rapport avec la métropole.
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Citation du jour (Le Monde, le 3 février 2009)
« La Guadeloupe est souvent en avance sur la métropole en matière de conflit social . Si je vous demande ce que vous inspire « mai 67 » vous allez me répondre que je me trompe d’une année ou que je ne connais pas l’histoire de France …. Peu de gens se souviennent des évènements de mai 67 en Guadeloupe : trois jours d’émeute, réprimés par les forces de l’ordre, parce que les ouvriers réclamaient une augmentation salariale . Dans les manifestations se trouvaient également des étudiants : cela ne vous rappelle rien ? »
Et c'est de qui ? Un indice : Il a marqué deux buts surprise pour la France à la Coupe du Monde 1998
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En suivant les actualités on a nettement l'impression que le pouvoir de Sarkozy s'affaiblit - donnant par ailleurs tort à ceux qui prédisaient lors de son élection en 2007 un changement carrément d'époque, la fin de toute perspective de changement progressiste de la société pour au moins une génération.
Face à la crise et aux résistances qui démarrent très fort, Sarkozy est obligé de reculer, sa réputation de fin tacticien est écornée et ses marges de manoeuvres se rétricissent de jour en jour.
Quel rapport avec la Guadeloupe ? Seulement qu'il m'est venu en suivant la manifestation des enseignants et des étudiants aujourd'hui (10 février) que si Sarkozy recule sur la question de la réforme des universités et hésite face à la mobilisation dans les universités et l'Educatiuon nationale c'est en grande partie dû aux grèves dans les DOMs et au succès des manifestations syndicales du 29 janvier.
Même Sarkozy, qui annonçait il y a pas longtemps vouloir aller très vite et avancer sur tous les fronts, ne peut pas mener plusieurs batailles à la fois. Il est pris entre plusieurs feus, et il le sait. Et s'il attendait à des résistances sur le front syndical - mais pas à ce que tous les syndicats fassent front commun contre lui - et redoutait la révolte des enseignants et des jeunes, il ne s'attendait certainement pas à un mouvement social d'une telle ampleur et d'une telle détermination dans les dernières colonies françaises.
On peut remercier les Guadeloupéens et leur souhaiter une belle victoire !
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Dans son numéro 1001 (31/01/2009), le journal Combat Ouvrier fait le point sur le mouvement en Guadeloupe après deux semaines de grève générale
Libellés : Antilles, Guadeloupe, Lilian Thuram, Luttes ouvrières