04 septembre 2007

 

Ken Loach: "Le travail bon marché est au coeur de l'économie britannique"


VENISE (AFP) - 02/09/2007 18h03

"Le travail bon marché est au coeur de l'économie britannique" affirme dans un entretien à l'AFP, le cinéaste Ken Loach, 71 ans, dont le film "It's a free world", en compétition à la 64e Mostra, dénonce l'exploitation des immigrants dans l'économie mondialisée.

Ironique, le titre du film - "C'est un monde libre" - annonce l'objectif de Loach : montrer la signification parfois tragique, au plan social, de l'expression "flexibilité du travail dans une économie libéralisée" qui circule abondamment, de l'univers des entreprises à celui de la politique.

Dans "It's a free world", Angie est une maman célibataire qui affronte la vie crânement et décide, une fois mise à la porte d'une entreprise de recrutement en Pologne, de fonder sa propre agence d'intérim à Londres. Là, elle donne à des travailleurs sans papiers, ukrainiens, polonais ou afghans, des emplois non qualifiés d'"un jour, une semaine ou un mois", en toute illégalité. Une fois prise dans l'engrenage de l'argent facile, la jeune femme va de plus en plus loin dans l'exploitation de la détresse humaine.

"La logique d'Angie est celle de toute entreprise : trouver la main d'oeuvre la moins chère, élargir ses marchés et rogner sur les coûts afin de faire le plus de profit possible", estime Ken Loach, très sollicité par la presse à Venise, où le film est montré en avant-première mondiale. "Elle est une +business woman+ modèle", poursuit-il, "elle n'a pas fait le choix de mal agir. Si elle veut survivre c'est ce qu'elle doit faire, et son comportement est au coeur de notre économie". "Si les spectateurs sont horrifiés par elle, par ses actes, ils vont aussi se dire que pour changer cela, c'est tout le processus néo-libéral de +thatchérisation+ et de +blairisation+ qu'il faut revoir", estime le cinéaste.

Parfois accusé de manichéisme, Ken Loach développe ici un propos riche et nuancé en représentant le camp des "exploiteurs" par le personnage d'une jeune femme attachante, aux origines ouvrières, elle-même victime du système. Mauvaise conscience de son pays dont il a dénoncé la politique répressive dans les années 1920 face au mouvement d'indépendance irlandais dans "Le vent se lève", Palme d'or 2006 à Cannes, Ken Loach est bouleversé par l'injustice et la misère sociale.

"Le travail bon marché est au coeur de l'économie britannique" dit-il avec véhémence. "Le gouvernement ne respecte pas sa propre législation : il fixe un salaire minimum puis s'assure que celui-ci ne sera pas payé, parce que s'il l'était, le prix des aliments, des vêtements grimperait, l'inflation s'envolerait et cela déséquilibrerait l'économie", développe Ken Loach.

"Il y a une grande hypocrisie de la part des hommes politiques", juge le réalisateur, qui a livré de chaleureux portraits des laissés-pour-compte de l'Angleterre thatchérienne dans "Riff raff", "Raining stones" ou "Lady Bird".

"Personne ne dit +Nous voulons que les travailleurs d'Europe de l'Est viennent parce qu'ils sont bon marché et nos électeurs sont des consommateurs. Ainsi nous verserons de maigres salaires et les aliments ne coûteront pas chers... Pourtant, telle est la réalité", conclut-il.

En anglais : Ces notes sur l'exploitation des travailleurs immigrés en Grande-Bretagne extraites du site web de la société de Ken Loach, Sixteen Films.

Ken Loach est membre du Conseil National de RESPECT - the Unity Coalition, un parti qui réunit, entre autres, des militants d'extrême gauche, des opposants aux guerres en Irak et en Afghanistan, des syndicalistes, et des activistes musulmans.

INTERVIEW DE KEN LOACH (Socialist Worker, 15/09/07)

and this interview in the New Statesman (20/09/07), The Great Crusader

Film review : It's a Free World (Nick Clarke, Socialist Review, September 2007)

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Comments:
Aucun homme politique ne dit « Nous voulons que les travailleurs d'Europe de l'Est viennent parce qu'ils sont bon marché (…) » mais pire, la plupart disent que les problèmes économiques viennent des étrangers, que les étrangers sont des profiteurs (allocations, etc.) et ils s'arrangent pour que les étrangers obtiennent très difficilement des papiers. Comme ça — pour les hommes politiques — la boucle est bouclée : ils entretiennent un système de travailleurs sans-papiers près à bosser jusqu'à en être malade et cela pour une bouchée de pain… Ces hommes politiques créés cette main-d'œuvre là. Après il y a ceux qui les embauchent, qui en profite…
 
Au fond, c'est la continuation du colonialisme, mais de l'intérieur.
 
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