06 décembre 2008
Roger Martelli: Discuter, mais dans le respect
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La direction du Parti communiste français tente actuellement de mettre à l'écart de nombreuses personnalités communistes connues pour leur volonté d'agir en commun avec d'autres forces de la gauche radicale. C'est notamment le cas dans mon département de la Seine-Saint-Denis. Pendant ce temps, l'Association des Communistes Unitaires participent à plusieurs initiatives unitaires, dont le grand meeting à Paris-La Défense samedi 13 décembre.
Voici un texte intéressant de Roger Martelli qui répond aux détracteurs des Communistes Unitaires au sein du PCF.
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La direction du Parti communiste français tente actuellement de mettre à l'écart de nombreuses personnalités communistes connues pour leur volonté d'agir en commun avec d'autres forces de la gauche radicale. C'est notamment le cas dans mon département de la Seine-Saint-Denis. Pendant ce temps, l'Association des Communistes Unitaires participent à plusieurs initiatives unitaires, dont le grand meeting à Paris-La Défense samedi 13 décembre.
Voici un texte intéressant de Roger Martelli qui répond aux détracteurs des Communistes Unitaires au sein du PCF.
Discuter, mais dans le respect
Depuis quelques jours, j’entends dire que les « communistes unitaires » sont d’ores et déjà à l’extérieur de la famille communiste puisque, le 13 décembre, ils participent à la formation d’un nouveau parti politique. Cette affirmation est mensongère et, à mes yeux, injurieuse. Mes opinions n’ont rien de mystérieux : voilà quelque temps que je dis ma conviction que le communisme politique ne pourra retrouver une place majeure qu’en s’engageant, avec l’ensemble des sensibilités critiques, dans l’émergence d’une force aspirant à la majorité à gauche, sur une ligne de transformation sociale et donc de rupture assumée. Je crois à cette nécessité, mais je suis convaincu qu’une telle émergence ne peut être une construction artificielle, au coin d’une table ou au feu d’une rencontre, si enthousiasmante soit-elle. Pour peser et changer l’ordre des choses dominant, la force dont le mouvement populaire a besoin doit laisser le moins d’organisations, de courants, de trajectoires personnelles possibles sur le bord du chemin. Elle ne peut se passer de personne ; elle ne peut donc faire l’économie de la décision volontaire de qui que ce soit, et surtout pas de celle des militants communistes. Penser que l’on peut décider, le 13 décembre, de la naissance de la grande force d’une gauche d’alternative me paraît relever du pur enfantillage. Pour aller dans cette direction, il est évident qu’il faudra des étapes, des moments d’expérimentation : en bref ce qu’on appelle un processus, quelque chose dont on ne peut dire par avance les formes achevées, mais dont on peut pressentir la finalité et l’horizon. Mais autant j’estime puéril d’écrire par avance le détail d’un scénario refondateur, autant il me paraîtrait désastreux, pour la gauche d’alternative comme pour les communistes, que l’hypothèse de cette émergence soit d’ores et déjà remisée au placard.
Que va-t-il se passer le 13 décembre ? Dans la soirée, se tient à la Défense une initiative publique sous l’intitulé « Qui se ressemble se rassemble ». Ceux qui ont promu cette rencontre ont en commun le fait qu’ils ont déjà, à un moment ou à un autre, affirmé qu’il fallait aller « vers la création d’une nouvelle force politique de l’autre gauche », pour que la gauche ne soit plus dominée par les cultures de l’adaptation au capitalisme mais se rassemble majoritairement sur une ligne claire de transformation sociale. Parmi les intervenants annoncés, certains sont communistes, beaucoup ne le sont pas. Leur objectif commun est de débattre de l’hypothèse d’une gauche de gauche rassemblée, à un moment où les possibilités et la nécessité d’un sursaut sont plus grandes que jamais.
Pour ceux qui sont membres du PCF, leur participation est cohérente avec ce qu’ils avancent continûment depuis longtemps dans leur parti : le devenir du communisme est inséparable de celui de la gauche de transformation dans son ensemble ; l’ouverture des communistes sur les forces d’alternative ne doit pas être conjoncturelle mais durable, suffisamment solide pour que la gauche transformatrice fasse force politique. Ces membres du PCF, sous des formes par ailleurs différentes, avaient exprimé il y a quelques mois le souhait que l’éventualité d’une nouvelle force soit explicitement mise au pot commun de la réflexion communiste. Il n’en a rien été : l’éventualité a été écartée dans ce qui s’intitule « base commune ».
Une telle mise à l’écart n’est pas acceptable ; elle est dangereuse à la fois pour le communisme politique et pour la gauche de transformation. De nombreux membres du parti ont donc voulu dire qu’ils voulaient continuer à défendre dans leur organisation et explorer publiquement, avec d’autres, l’hypothèse trop tôt écartée par le noyau dirigeant du PCF et qui continue d’être, à leurs yeux, au cœur de la réflexion d’un communisme qui se veut moderne.
La rencontre se tient à la Défense, à un moment où le Congrès communiste aura voté sur une orientation politique. Si le Congrès décide que l’idée d’une force politique nouvelle reste, au titre d’hypothèse, parmi d’autres hypothèses sur le devenir du communisme politique, tant mieux : raison supplémentaire pour débattre avec celles et ceux qui défendent un point de vue semblable, y compris pour dire pourquoi l’option n’est pas retenue en l’état. Si, au contraire, le Congrès décide d’écarter l’énoncé même de l’hypothèse, nous le regretterons mais nous en prendrons acte. Une chose doit être claire pourtant : prendre acte ne signifie pas se résigner et abandonner ce qui nous paraît être la seule idée salvatrice pour l’idéal communiste contemporain. En tout état de cause, aucune mise à l’écart, aucun ukase ne pourront faire fléchir notre résolution à poursuivre notre réflexion et notre recherche d’expérimentation. Nous le ferons en communistes, parmi les militants communistes, en n’oubliant pas que ce beau mot de « communistes » englobe aujourd’hui des femmes et des hommes dont beaucoup sont membres du PCF, mais dont beaucoup plus encore ne sont pas ou ne sont plus membres de ce parti.
Et nous le ferons dans l’échange et l’exploration concrète permanente avec d’autres que les seuls membres du Parti communiste français. La rencontre du 13 est ouverte à toutes les forces et sensibilités de la gauche critique : des personnalités de sensibilités diverses mais tendues vers le refus du social-libéralisme ont annoncé d’ores et déjà leur participation ; des associations comme Attac ou l’Apeis ont fait savoir qu’elles s’inséraient dans le débat, ce qui ne signifie pas qu’elles s’alignent sur quelque point de vue que ce soit. Toutes les formations politiques sans exception (y compris donc le PCF) sont invitées : les communistes unitaires, la gauche des Verts et le NPA ont dit qu’ils seraient présents ce soir-là. Qui peut croire que tous ceux-là ont envie, à l’issue de la rencontre, de se trouver immédiatement dans la même organisation ? Qui peut croire qu’on pourrait les utiliser, malgré eux, pour légitimer une décision qui n’a pas de raison d’être ?
Cette soirée n’a pas de visée décisionnelle. Elle a lieu après d’autres initiatives sur le même thème et avant d’autres encore. Parmi celles et ceux qui participent, certain(e)s sont engagé(e)s ou vont s’engager dans des initiatives concrètes différentes. Mais il leur a semblé bon, au moment où tout bouge, où les forces concernées tiennent congrès, de rappeler ensemble que la gauche ne reprendra l’offensive face à la droite que si « qui se ressemble se rassemble ». Toute autre interprétation de cette soirée ne serait pas conforme à l’esprit de ses organisateurs.
J’ajoute quelque chose qui concerne plus particulièrement les membres du Parti communiste. Qui peut douter qu’ils soient souverains, seuls décideurs au final de ce que deviendra l’organisation qui est leur bien ? Nul ne peut s’imaginer que l’on peut ruser avec les militants communistes, leur dire par exemple : « Faisons un jour un front » pour, le lendemain, leur proposer de rallier un autre parti déjà constitué. Moi, je préfère tenir un langage direct : nous ne gagnerons une majorité à gauche que si nous nous rassemblons, non pas seulement dans des fronts nécessaires et dispersés, mais dans une construction politique commune et durable. Non pas en se ralliant à une formation déjà existante, mais en construisant ensemble la force, à la fois cohérente et pluraliste, sans laquelle la main reste au recentrage social-libéral.
Voilà ma conviction. Tant qu’une majorité de militants communistes ne seront pas partie prenante d’une telle construction, je me sentirai insatisfait. En attendant, je ne veux rater aucune possibilité de débattre. Je sais qu’une grande majorité de communistes est favorable à une démarche d’union. Alors pourquoi craindre le débat ? Pourquoi bouder une occasion de se confronter à d’autres ? Un républicain disait autrefois qu’il n’avait pas d’ennemi à gauche. Les communistes pourraient reprendre cette formule. En tous cas, du côté des sensibilités désireuses de transformation sociale et pas d’adaptation au capitalisme, non seulement les communistes n’ont pas d’ennemis, mais ils n’ont que des partenaires potentiels. Le 13 décembre au soir, il y aura à La Défense pléthore de ces partenaires potentiels.
Vous ne croyez pas que le PCF se grandirait à accepter la confrontation franche, au lieu de prendre comme une provocation toute interpellation sur le devenir d’une gauche bien à gauche, d’une gauche digne de ce nom ? Il est encore temps de donner des signes, au-delà des simples déclarations de principe, que la fierté communiste ne signifie pas le repliement sur soi. Il n’est pas vrai que l’Histoire puisse être un jour finie.
Roger Martelli
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Cette interview récente avec Pierre Zarka des Communistes Unitaires (exclusivité du Poireau Rouge)
Libellés : Communistes unitaires, PCF, Roger Martelli