28 mars 2008

 

Le licenciement de Christian Picquet par la LCR : quelques commentaires

Le licenciement - appelé dans la jargon de la LCR "dépermanentisation" (sic) - de Christian Picquet, jusqu'alors membre dirigeant de l'organisation trotskiste, par sa direction a été rapporté par certains médias, dont Le Monde et l'AFP, donc nous pourrons en parler (ce n'est pas la politique du Poireau Rouge de répandre des informations connues seulement aux militants par le biais de documents internes). Rappelons que Picquet est le porte-parole le plus connu de la minorité dite 'courant unitaire' qui prône un rassemblement large de la gauche antilibérale et critique le processus en cours de formation d'un 'nouveau parti anticapitaliste' pilotée essentiellement par la LCR seule.

Cela appelle quelques commentaires.

D'abord, si la presse bourgeoise s'intéresse au licenciement de Picquet, ce n'est pas parce qu'elle tient à défendre les droits des salariés face à leur employeur. Des travailleurs sont licenciés dans des conditions plus que douteuses tous les jours sans que la plupart des rédactions s'y intéressent.

Mais, le camarade Picquet ayant servi la Ligue en tant que permanent pendant 28 ans il serait justifié à demander une certaine considération de la part des militants appartenant à la majorité - sans parler d'indemnités de licenciement qui pour un salarié dans une entreprise capitaliste ayant 28 ans d'ancienneté serait assez élevé. Il est probablement illusoire d'y croire, malheureusement.

Deuxièmement, le fait qu'une organisation révolutionnaire puisse décider majoritairement et après débat contradictoire de mettre fin à une situation où l'un des permanents de l'organisation ne défend pas l'orientation majoritaire n'est pas choquant en soi. C'est aux camarades de la LCR - et non à la presse bourgeoise - de décider si cela a été fait selon les règles en vigueur et en respectant les principes de 'justice naturelle'. Si la minorité estime que cela n'a pas été le cas elle serait parfaitement en droit, cependant, comme elle a commencé à le faire d'ailleurs, de porter cette situation à la connaissance de l'ensemble des militants de gauche.

Car, et troisièmement, ce qui se passe à la LCR n'est pas indifférent à tous ceux qui militent pour une nouvelle force politique à la gauche du PS, qu'ils soient membres de la Ligue, du PCF, d'autres partis de gauche (PS, Verts ...), des Collectifs unitaires ou des militants non-encartés. Cela a eté le cas, en négatif, lors des débats ayant précédé la désignation des candidats à l'élection présidentielle de 2007.

Quatrièmement, une telle décision est-elle politiquement justifiée dans la situation actuelle ? Or, si l'on croit la dépêche de l'AFP : "La direction lui a signifié [à Picquet, NDLR] qu'au moment où l'organisation connaissait des succès électoraux, le maintien d'[un] courant public est un "mauvais signe" /.../".

On note ici que les succès des candidats de ou soutenus par la LCR lors des récentes municipales sont attribués à la LCR et non à une dynamique unitaire (1) basée dans de nombreux endroits sur des alliances de la LCR avec diverses forces organisées (dont les Verts, le MRC, le PCF, les Collectifs unitaires). C'est au moment où la politique défendue par Picquet et ses camarades de la minorité se révèle juste et crédible qu'on licencie son défenseur le plus en vue ! (On a vu d'autres exemples, comme notre Jacques Doriot local - partisan à l'époque d'un front unique antifasciste - exclu du PCF dans les années 1930 au même moment que la direction du PCF adoptait, au moins en paroles, sa politique. Toute autre comparaison étant bien entendu illégitime.)

A la direction de la LCR on pourrait facilement répondre que, "Au moment où la LCR tente de lancer un nouveau parti anticapitaliste large, et connaît quelques succès, la décision de licencier le principal porte-parole de son courant unitaire est un très mauvais signe".

Cinquièmement, et par pure coïncidence (mais est-il vraiment le cas ?), dans tous les documents que j'ai lus sur cette affaire, le nom d'un certain Pierre-François Grond , membre éminent de la direction de la LCR, revient très souvent. Il paraît souvent comme l'un des principaux accusateurs de Picquet.(2) Or, comme tout le monde devrait le savoir, ce camarade est un des enseignants (avec d'autres, membres de la LCR et de Lutte Ouvrière), qui ont joué un rôle désastreux dans l'exclusion des filles Lévy de leur lycée d'Aubervilliers et ainsi précipité le vote de la tristement célèbre loi de 2004 sur le port des signes religieux à l'école. Je tenais à le dire, même si cela n'a rien à voir.


Alain Laffont
(1) Par exemple, la dynamique créée autour d'Alain Laffont, tête de liste de la liste '100% à gauche' à Clermont Ferrand. Pour la petite histoire, Alain Laffont et la majorité de ses camarades de la LCR clermontoise ont soutenu José Bové à l'élection présidentielle d'avril 2007. Pour cela, il a dû confronter - et battre - une candidate parachutée par la majorité de la LCR aux législatives en juin de la même année. En mars 2007 il se présente aux municipales avec des membres de l'ex-comité Bové de la ville et reçoit le soutien d'Olivier Besancenot et de Francine Bavay, l'une des porte-parole nationales de la campagne de José Bové. Il obtient 15,34% des voix, l'un des meilleurs scores de la 'LCR'.

(2) Dans un entretien publié dans le Monde, P-F Grond a déclaré : "Il faut que la minorité assume son centre de gravité à l’extérieur de l’organisation."
Une mise au point par le Bureau Politique de la LCR

Dans sa mise au point, le Bureau Politique se veut rassurant : "Nous redisons aux camarades de la minorité qu’ils ont toute leur place dans la construction du nouveau parti anticapitaliste dont nous sommes en train de jeter les bases et qui sera forcément pluraliste."

Venant d'une majorité composée en partie de camarades qui étaient longtemps opposés à une telle stratégie - ou qui voulaient limiter le nouveau parti à l'unité des seuls révolutionnaires - c'est un peu fort de café. Cette affirmation en dit long d'ailleurs sur la méthode choisie par la majorité - et que le courant unitaire critique avec raison.

C'est donc la LCR qui est en train de "jeter les bases" du nouveau parti, et qui décide qui y a sa place, et non l'ensemble des forces anticapitalistes. La majorité justifie cette position par "l'absence de partenaires nationaux" et la nécessité non pas de "créer les cadres de débat sur la nécessité d'un nouveau parti" mais de "passer à un stade supérieur, celle la construction d'un tel parti".

Rappelons encore une fois que la majorité de la LCR était longtemps opposée à un tel débat, ou posait tellement de conditions qu'il était impossible dans les faits (pour une partie de cette majorité c'était d'ailleurs le but recherché). L'absence de partenaires nationaux s'explique en partie par cette attitude sectaire dans un passé très récent. Quand les militants unitaires insistaient sur l'urgence, la LCR voulait des "clarifications" et encore des "garanties".

Malgré ce bilan peu positif, les camarades de la majorité de la LCR ont, d'après moi, "toute leur place" dans la construction du nouveau parti.

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Comments:
Cher camarade
Moi aussi j'aime l'ironie acerbe, mais... je trouve ta conclusion assez abstraite. C'est sans doute très injuste, mais le fait est que, pour toutes ses fautes de conception, le processus nouveau parti lancé par la LCR est de loin la plus dynamique des différentes tentatives de rassembler à gauche de la gauche. C'est celle qui a, de plus, le plus de succès dans le recrutement de militants d'une nouvelle génération.

C'est pour cela que malgré nos critiques justifiées, il faut oeuvrer à cette construction.

Les difficultés ne sont pas terminées. Quand il y aura des décisions à prendre sur les structures de direction, sur les publications du nouveau parti etc, son vrai pluralisme - ou pas - deviendra beaucoup plus clair. N'empêche que l'heure n'est pas aux tons cyniques!
 
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