10 février 2008

 

La LCR et le nouveau parti

Une contribution importante au débat sur le 'nouveau parti anticapitaliste' par Sylvestre Jaffard. Il y explique pourquoi il faut participer à la construction du nouveau parti que lance la LCR, tout en critiquant de sérieuses erreurs dans la stratégie mise en oeuvre par sa majorité.

En voici un extrait particulièrement pertinent :


/.../ Le mirage des « anonymes »

Dès lors le problème devient « comment donc ouvrir le nouveau parti sans risquer de devoir le construire avec des forces réformistes ? ». C'est pour résoudre ce problème qu'est apparue l'idée qu'on pouvait s'adresser directement aux « anonymes » - c'est à dire à des individus isolés, qui ne sont pas encore militants d'une structure politique, syndicale ou associative – mais qui se retrouvent cependant dans un projet radical de contestation de l'ordre existant. Olivier Besancenot déclarait ainsi lors de l'université d'été 2007 de la LCR : « Les choses étant bloquées par le haut, on essaie par la base (...) On ne va pas mettre Buffet, Laguiller et Bové autour d’une table mais parler aux anonymes des quartiers populaires et aux collectifs locaux.5 »

Il est tout à fait certain qu'il existe dans les quartiers populaires – dans les couches populaires – des centaines de milliers d'individus « non-encartés » susceptibles de rejoindre une organisation qui se prononce clairement contre le système libéral, contre le racisme, l'impérialisme, le sexisme, pour une société plus égalitaire, etc. Mais cela ne peut pas vouloir dire que la construction d'un parti anticapitaliste capable de rassembler les secteurs les plus combatifs de la classe ouvrière peut se faire sans qu'il soit crucial de gagner à cette perspective les militants ouvriers, associatifs et politiques qui sont déjà organisés dans des structures, et qui déjà aujourd'hui, au quotidien, organisent la contre-offensive idéologique et sociale contre Sarkozy – en premier lieu ceux qui ont construit ces derniers mois les grèves dans les transports, la fonction publique, les entreprises privées ou les facs.

Les « anonymes des quartiers populaires » sont des individus atomisés. Pour contrer leur atomisation il faut la considérer dans toute sa mesure, donc être conscient de ses causes fondamentales : le capitalisme met en concurrence les travailleurs les uns avec les autres, les médias, le système éducatif font tout pour décourager l'auto-organisation, la famille capitaliste, l'urbanisme, l'organisation des loisirs encouragent la « privatisation » de la vie en-dehors du temps de travail, et de plus la mémoire historique des trahisons des organisations social-démocrates et staliniennes finit de rendre minoritaire à notre époque l'engagement militant.

L'antidote à l'atomisation ne peut donc pas être constitué simplement par un appel particulièrement juste, ou un programme particulièrement bien calibré pour être jugé correct par un grand nombre de gens6. La meilleure arme contre l'atomisation c'est l'organisation elle-même, c'est l'expérience pratique de son utilité. Cela veut dire qu'il faut utiliser au maximum la force des secteurs combatifs déjà organisés pour les unifier dans une perspective commune et bâtir à partir d'eux.

Pour peu que la situation sociale et politique rende visible pour un grand nombre l'utilité d'une organisation radicale pour changer la société, une nouvelle organisation anticapitaliste peut croître rapidement, et de nombreux individus aujourd'hui isolés la rejoindront directement. Mais il est chimérique de penser pouvoir construire une telle organisation en sautant les étapes, sans poser des fondations solides, sans s'adresser d'abord à celles et à ceux qui ont construit le mouvement de 2003 contre la réforme des retraites, la campagne de 2005 contre le Traité Constitutionnel Européen, le mouvement de 2006 contre le CPE, les associations contre la guerre, contre le racisme et les discriminations, etc. Quand bien même on le pourrait, ces secteurs n'en disparaîtraient pas pour autant. Leur existence en-dehors du parti large constituerait alors en elle-même la preuve de son échec.

Publié dans le numéro de janvier 2008 de la revue Que faire?, ce texte a été mis en ligne, avec l'accord de son auteur, par la revue Socialisme International dont je suis également un des rédacteurs. Si ce n'est pas une démarche unitaire ... Nous pourrions d'ailleurs publier d'autres articles de la même source si on nous en proposait.

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