09 octobre 2007

 

Sur l'Islam et l'islamophobie

LIBERATION, 9 octobre 2007
Vosges : prison avec sursis pour avoir refusé le voile dans son gîte
Yvette Truchelut a été condamnée pour discrimination, après avoir refoulé deux clientes musulmanes en août 2006.

La propriétaire d’un gîte vosgien, qui avait refoulé une cliente et sa mère parce qu’elles portaient le voile, a été condamnée à quatre mois de prison avec sursis et 1.000 euros d’amende par le tribunal correctionnel d’Epinal. Elle devra également verser 3.000 euros de dommages et intérêts à la plaignante, Horia Demiati et à deux membres de sa famille (1.000 euros chacun), 800 euros à la Ligue des droits de l’homme (LDH), 800 euros à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et autant au Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples (Mrap), qui s’étaient portés partie civile.

Yvette Truchelut, dite Fanny, avait refusé en août 2006 l’accès à son gîte situé à Julienrupt (Vosges) à Horia Demiati ainsi qu’à sa famille, parce que sa mère et elle ne voulaient pas ôter leur voile comme la propriétaire de l’établissement le leur avait demandé. Poursuivie pour discrimination en raison de la religion, l’origine ou la race, Mme Truchelut s’était défendue en assimilant le voile à «un instrument de soumission et d’oppression de la femme», qu’elle ne souhaitait pas voir porter dans les parties communes de son établissement. «Le voile, je le mets où je veux», lui avait répondu Horia Demiati à l’audience, précisant que la propriétaire ne lui avait «jamais parlé de partie commune». Yvette Truchelut a été condamné pour la seule discrimination en raison de la religion.

Un communiqué du MRAP
Islamophobie : un mal toujours tenace

/.../ De son côté, le MRAP constate depuis un an une inquiétante recrudescence des signalements et de plaintes contre des actes et manifestations islamophobes allant des injures aux des discriminations à l’emploi. Il relève aussi des mauvaises interprétations et des détournements de la loi du 15 mars 2004 qui se sont traduits principalement par des refus d’accompagnement scolaire de mères portant le foulard et des refus de service dans des banques et administrations.


MON AVIS
Fallait-il donc envoyer en prison, même avec sursis, cette pauvre dame - qui visiblement ne comprend rien - qui a refoulé une cliente et sa mère pour la seule raison qu'elles portaient le voile ? Probablement pas, dans la mesure où une condamnation pour le principe, accompagnée de dommages et intérêts, aurait sans doute constitué un message assez fort, et encouragé d'autres victimes de ce type de discrimination à porter plainte. Ce n'est pas la peine, non plus, d'en faire une "martyre".
Mais au-delà du problème de la sanction, que dire de l'argumentation du MRAP, dont les actions en justice ont néanmoins une valeur pédagogique considérable ? Les discriminations évoquées dans le communiqué sont effectivement le fruit d'une mauvaise interprétation de la loi interdisant le foulard à l'école. Il n'est nullement question dans cette loi - aussi "dégueulasse" soit-elle - d'interdire le foulard ni aux parents d'élèves y compris dans l'enceinte de l'école ou lors des sorties scolaires ni aux étudiantes de l'enseignement secondaire. Elle ne s'applique évidemment pas à d'autres sphères comme les gîtes ou villages de vacances. Il peut donc être utile de le rappeler à ceux, comme certains directeurs d'école, qui pensent - ou font semblent de penser - le contraire.
Mais le véritable problème n'est pas là. Car si le texte de la loi se limite aux élèves de l'école publique, le message qu'elle envoie est clair : les musulmanes voilées seraient une espèce de "cinquième colonne" contre laquelle il faut lutter. Il ne faut absolument pas s'étonner qu'il y ait eu une recrudescence de l'islamophobie. Les discriminations anti-musulmanes ne sont pas un hasard ; elles sont une conséquence directe de la loi.
Se servir d'une loi pour contrer les effets d'une autre loi peut être une tactique utile et c'est très bien pour les victimes quand cela réussit. Mais ce n'est pas une réponse adéquate. Il nous faut une réponse politique claire et déterminée. Nous devrions faire campagne pour l'abrogation pure et simple de la loi. Malheureusement, une grande partie de la gauche et de l'extrême gauche l'a cautionné en 2004 et continue à le faire - voire s'en félicite carrément et demande une rigueur "laïque" encore plus grande (c'est le cas de Laurent Fabius pendant la campagne pour la candidature socialiste aux présidentielles). La tâche sera donc rude, mais elle est nécessaire.

Nouvelle petite victoire : L'hebdomadaire Le Point condamné à 10 000 € de dommages et intérêts (Collectif contre l'islamophobie en France)

Ijtihad : pour un islam progressiste et populaire

Par A.Chaambi, M.Kaf, N.Achour, Sarah Girard, Y.Girard
mardi 9 octobre 2007
Lire ce texte écrit par un groupe issu du Forum Social des Quartiers Populaires

/.../ Au cours de l’histoire, l’Islam a toujours été traversé par de multiples courants de pensée qui furent le produit de contextes sociaux différents voire mêmes antagonistes. Face à l’ « Islam des dominants » défendu par les « Ouléma du palais » a toujours existé un « Islam des dominés » qui, porteurs des idéaux des opprimés, se voulait le vecteur de contestations sociales et d’un désir de justice.

C’est de cet Islam, porteur de justice sociale, qui a lutté contre les oppresseurs musulmans puis contre la domination impérialiste, dont nous nous réclamons. Il nous appartiendra de définir un « Islam progressiste et populaire » capable de lutter contre l’impérialisme, le néo-colonialisme et ses supplétifs, de promouvoir une renaissance civilisationnelle et de défendre la justice sociale.

Loin de tous replis exclusifs, cet « Islam progressiste et populaire » devra nécessairement s’ouvrir à la culture universelle de tous les opprimés (al-mostadh’afoun) pour mieux se dresser contre l’hégémonie impérialiste. C’est en partant de l’ensemble du patrimoine islamique, sans exclusive, que nous nous attellerons à cette tâche.

Lire cette interview avec un des auteurs du texte, Abdelaziz Chaambi, parue dans Socialisme International 17-18, mars 2007

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Comments:
la prison avec sursis est en fait une peine symbolique. Le tribunal a eu raison, il est important d'envoyer un signe fort et clair de civilisation et de respect d'autrui dans cette France qui dérive de plus en plus vers l'intolérance.

De nos jours si la vierge Marie se présentait dans un lycée catholique on la refoulerait pour son "voile islamique"!

Et Marguerite Yourcenar (regardez comment elle est habillé esur le timbre qui lui est consacré) serait interdite ! ainsi que Hebe de Bonafini, qu'on accuserait d'être une "femme soumise"...
 
Bien sûr, j'ai mal rédigé mon commentaire. "Envoyer en prison, même avec sursis" ne veut rien dire. Je ne connais pas non plus les différentes peines que peuvent infliger les juges.

Ceci dit, il me semble qu'il y a plusieurs problèmes avec tout cela. D'abord, je ne suis pas sûr que cette personne mérite la prison, même symboliquement. La peine (même virtuelle) n'est pas vraiment adaptée au 'crime' (d'autant plus qu'on est plutôt contre la prison par principe).

Ce que je voulais dire, c'est que les véritables responsables de cette discrimination, ce n'est pas cette dame toute seule, mais ceux qui ont voté, fait voté et soutenu la loi de mars 2004.

Il y a aussi le fait qu'elle n'est peut être pas une islamophobe militante mais une personne 'ordinaire' sous l'influence des idées dominantes. (Evidemment, s'il s'avère que c'est une meneuse, je ne pleurerais pas sur son sort).

C'est le même problème avec des racistes, voire des fascistes qu'on peut rencontrer dans son voisinage ou au travail - il faut cibler les cadres et les idéologues, et non ceux qui les suivent. On exigera dans certaines situations le licenciement ou l'exclusion d'un syndicat d'un militant connu d'extrême droite, mais on n'a pas la même attitude envers un raciste 'ordinaire' qu'on essaiera plutôt à isoler, à rendre inoffensif, voire à convaincre (et cela arrive).

La lutte contre l'islamophobie doit d'abord être une lutte politique, qui passe par la pédagogie et la pression collective et non par l'utilisation des pouvoirs répressifs de l'Etat. Je ne suis pas contre les actions en justice en toutes circonstances, cela peut être utile et même nécessaire quand le tort est imporant (cas d'une discrimination à l'embauche ou d'un licenciement, par exemple).

En tout cas, les moyens adoptés et la peine demandé doivent être modulés en fonction de la situation.
 
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