30 septembre 2006
'RESISTANCE' n° 36
Dans le numéro 36 du journal canadien 'Résistance', on peut lire notamment cet article de Joel Harden sur la trajectoire de Rifondazione communista en Italie. Titré Nouveaux partis, vieux problèmes : Leçons de la situation italienne pour Québec solidaire, l'article tire les leçons de la situation italienne pour le nouveau parti de la gauche radicale, Québec Solidaire (voir également le message du 16 septembre sur ce blog).
"Dans plusieurs pays, de nouveaux partis de gauche ont été créés pour faire entendre la voix des mouvements de la rue. Québec Solidaire (QS), comme le savent les lecteurs de Résistance!, en fait partie. Le Partido della Rifundazione Communista (Rifundazione ou PRC) italien fait aussi partie de ces partis de la rue. En dépit de sa promotion de politiques explicitement socialistes, il a beaucoup en commun avec QS. Comme celui-ci, Rifundazione s’inspire des idées de l’altermondialisme, et a été au cœur des manifestations anti-guerre massives en Italie. Dans l’éditorial cité plus haut, Fausto Bertinotti (le principal porte-parole du PRC) affirmait que le renouvellement de la politique de gauche dépendait du niveau d’énergie des mouvements altermondialistes.
Des développements récents en Italie, toutefois, servent d’avertissements quant aux limitations de la politique électorale, et aux dangers qu’implique le fait d’envoyer la gauche radicale aux urnes. À l’occasion d’une session spéciale du Sénat italien, le 27 juillet 2006, des représentants de Rifundazione on voté en faveur du prolongement de la participation italienne à l’occupation de l’Afghanistan (avec le Canada dans le contingent de l’OTAN). Noam Chomsky et Tariq Ali, ainsi que d’autres penseurs de gauche radicaux, ont écrit des lettres ouvertes dénonçant cette décision, sans convaincre Rifundazione de changer son orientation. Auparavant, dans la chambre des députés italienne, quatre parlementaires avaient voté contre une motion similaire, alors qu’un cinquième (Paulo Cacciari) abandonna son siège en guise de protestation. Alors, pourquoi les altermondialistes italiens voteraient pour la guerre? Alessandro Valera, un militant de Rifundazione irrité par les critiques gauchistes, a donné la réponse suivante : «…les dynamiques de la politique italienne nous rendent conscients que le compromis, la médiation et le dialogue sont les seules armes que nous possédons pour combattre la guerre, l’impérialisme.»
Dans les élections italiennes récentes (9-10 avril, 2006), Rifundazione a décidé de faire partie d’une coalition de centre-gauche dirigée par Romano Prodi, ancien président de la Commission Européenne. Cette orientation vers la participation à un gouvernement de centre-gauche aux orientations social libérales avait été chaudement débattue au congrès du PRC. Une minorité significative avait proposé plutôt de mener une campagne indépendante, puis d’accorder un appui strictement parlementaire et conditionnel à un éventuel gouvernement de centre-gauche. L’alternative étant une élection précipitée qui serait presque assurément gagnée par la droite.
Si cette politique avait été adoptée, le PRC n’aurait pas été associé au programme ultra modéré du centre-gauche et aurait fait le plein des voix altermondialistes et anti-guerre. Il aurait pu sortir de l’élection avec la balance du pouvoir et un mandat clair de son électorat. Au lieu de cela, les éluEs de Rifundazione sont pris au piège d’une coalition gouvernementale dont les politique sont incompatibles sur plusieurs points avec celles de leur propre parti.
La coalition de Prodi a amassé un appui respectable dans la chambre des députés, mais une mince marge de 1 siège dans les élections pour le Sénat. Avec 41 sièges à la chambre des députés et 27 sièges au Sénat, Rifundazione avait le potentiel d’influencer considérablement le gouvernement Prodi. Mais Prodi, avec son expérience dans les gouvernements de coalition, les attendait de pied ferme. Depuis sa prise du pouvoir, il a testé Rifundazione six fois en invoquant des «votes de confiance» pour des articles de législation. Un ultimatum fut déclaré : appuyez-moi, ou le gouvernement tombera et vous aurez ravivé le parti de droite sympathisant de Bush de Silvio Berlusconi, Forza Italia. En fin de compte, ces arguments on forcé Rifundazione a laisser tomber la cause de l’Afghanistan, à un coût considérable pour les mouvements pour la justice et la paix dans le monde. L’Italie est un endroit crucial pour le militantisme altermondialiste, mais malheureusement Rifundazione se créé mainteannt une réputation de parti qui appuie la guerre.
Pour les militants de Québec Solidaire, cet incident amène des questionnements importants, particulièrement autour des «alliances progressistes» avec les péquistes. Est-ce que les partis de gauche peuvent refléter les mouvements sociaux qu’ils appuient? Est-ce qu’ils peuvent représenter les aspirations de la politique des nouveaux mouvements altermondialiste et anti-guerre dans l’arène électorale et ainsi rejoindre un public plus large? Ou bien, comme pourraient penser certains, est-ce que les politiciens sont inévitablement corrompus par l’arène parlementaire- où les opinions radicales sont dénaturées jusqu’à devenir des appuis à la guerre, au néolibéralisme, ou a d’autres choses auxquelles les militantes et les militants s’opposent?
Clairement, les développements récents en Italie constituent des leçons éloquentes quant aux partis de gauche radicaux qui s’allient à d’autres acteurs de la scène politique conventionnelle. Si la conquête du «pouvoir» signifie appuyer le militarisme et le néolibéralisme, les partis de gauche radicaux vont compromettre la base d’appui dont ils bénéficient. Cependant, comme l’ont démontré des militants radicaux ailleurs, il y a une autre possibilité, plus susceptible d’amener des résultats satisfaisants pour les radicaux d’aujourd’hui. Elle implique que les porte-parole de cette nouvelle gauche soient de fidèle représentantEs de nos mouvements de contestation, et qu’ils et elles utilisent leur notoriété pour contribuer au développement de ces mouvements. C’est l’approche qui pourrait leur assurer un énorme appui au Québec, comme elle l’a fait au Venezuela, au Portugal, en Grande-Bretagne et en Bolivie, au cours des dernières années. Étant donné les événements récents, et avec le temps, nos amis Italiens vont, espérons-le, arriver à la même conclusion. Les débats qui ne manqueront pas de traverser Rifundazione seront donc à suivre de près.
Joel Davison Harden, Wakefield
Résistance no 36 septembre 2006 www.socialiste.qc.ca"
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