29 septembre 2006
RELIGION ET POLITIQUE AU BRESIL
Au Brésil, tous les candidats convoitent les voix évangéliques
Un article intéressant paru dans le Monde du 29/09/06 souligne l'importance de l'électorat évangélique au Brésil, lequel pourtant "n'est ni discipliné ni uni". Un candidat évangélique au poste de gouverneur de l'Etat de Rio déclare "je ne veux pas évangéliser la politique, je veux politiser les évangéliques".
L'article résume l'influence des évangéliques ainsi : "Les évangéliques sont très courtisés car, depuis leur entrée en politique, lors de l'Assemblée constituante de 1986, ils ont doublé leur représentation parlementaire. Au Congrès, le "Front évangélique" compte 60 députés et 3 sénateurs, répartis entre six partis. Des chaînes de télévision et des radios relaient leur action.
C'est naturellement à Rio de Janeiro que le président Luiz Inacio Lula da Silva a reçu le soutien des évangéliques. Réunis dans le temple de Santa Cruz, 1200 pasteurs, dont Marcelo Crivella, ont approuvé le pasteur Manoel Ferreira, de l'Assemblée de Dieu : "Grâce à ses origines, Lula est le candidat le plus proche des pauvres", a-t-il déclaré.
Catholique, le candidat du PT avait bénéficié des voix évangéliques pour son élection en 2002. Son vice-président, José Alencar, dirige le Parti républicain brésilien, refuge des élus de l'Eglise universelle du royaume de Dieu. Le Mouvement progressiste évangélique est représenté au gouvernement par la ministre de l'environnement, Marina da Silva. Une autre évangélique, Benedita da Silva, a été ministre des affaires sociales.
Respectés pour leur action sociale dans les favelas (bidonvilles), les évangéliques ont été associés aux programmes gouvernementaux, comme les catholiques. Une loi de décembre 2003 a assuré la pérennité des Eglises évangéliques."
Rappelons que la candidate de la gauche radicale, fondatrice du Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL), Héloïsa Helena, est, elle, catholique fervente.
Ce sont des éléments à mettre dans la balance quant à l'appréciation du rôle réel de la religion - si seulement nos "marxistes" français, dont les connaisances de la tradition marxiste sur ce sujet ne vont pas plus loin que quelques citations tronquées de Marx, en étaient capables.
Tout cela me rappelle l'anecdote suivante. Un jour de 2005 j'assistais à un rassemblement de la gauche du Non au Traité constitutionnel européen à République. Nous écoutions des discours et diffusaient nos tracts - essentiellemnt à d'autres militants comme d'habitude. La foule était composée, toujours comme d'habitude, d'une majorité de membres des partis de gauche et des syndicats, la quarantaine passée voire plus, et naturellement très majoritairement "blanche". Parmi eux sans doute une écrasante majorité de laïcs, dont des militants 'national-républicains' convaincus du bien-fondé de la loi contre le port des signes religieux à l'école (ou même en dehors). Le MRC et l'UFAL y tenaient d'ailleurs un stand et diffusaient leur propagande bizarre sur la prétendue menace à la sacro-sainte laïcité française que représentait le Traité constitutionnel. Non pas le "plombier polonais" mais le "catholique polonais"!
Petit à petit, le bruit d'une manifestation évangélique - cris à la gloire de Jésus et chants religieux - commença à pénétrer nos cerveaux marxistes et républicains. Les manifestants - joyeux, bruyants et bien encadrés par un SO discret - contournaient la Place et ne manifestaient aucun intérêt pour le problème du TCE et les enjeux politiques du référendum. Ils étaient jeunes, femmes et hommes, enthousiastes et très majoritairement "non-blancs" (surtout des Afro-caribbéens, mais aussi pas mal de personnes de l'Asie du Sud, des Maghrébins ...). Les participants au rassemblement pour le Non ne se sont apparemment pas intérrogés sur le fait que la manifestation religieuse était non seulement plus importante que la leur, mais sans doute plus "prolétaire" (ou en tout cas plus "populaire") - et qu'elle était composée essentiellement de personnes appartenant à ces minorités opprimées qui sont particulièrement sous-représentées, voire absente, des manifestations traditionnelles des organisations ouvrières.
Curieux et surtout voulant mieux comprendre, je me suis rapproché, paquet de tracts en main, de la seconde manifestation, sans évidemment l'intention d'intervenir, ce qui était de toute façon "impensable" pour un militant "athée et marxiste" comme moi. Seulement, quelques imbéciles anti-libéraux commençèrent à insulter les manifestants évangéliques et de les traiter de "fascistes". Hors de moi, je me suis de nouveau rapproché des manifestants et j'ai commencé à diffuser quelques tracts et à tenter de les intéresser au sujet de notre rassemblement (les incitant à voter etc.). Ce fut un geste parfaitement inutile, bien sûr, mais vu l'intolérable sectarisme de mes camarades laïcs, cela me paraissait nécessaire. Très rapidement, j'ai été poliment mais fermement pris de côté par des membres du SO évangélique, mais aussi par un membre éminent de la minorité "foulard" de la LCR, qui pensait sans doute qu'un "révolutionnaire" ne devait pas s'associer de près ou de loin avec une telle manifestation - ou peut-être il avait tout bêtement peur qu'un membre de la majorité "ni loi ni foulard" de la Ligue m'aperçoive (ce dont d'ailleurs je me fichais complètement).
Un article intéressant paru dans le Monde du 29/09/06 souligne l'importance de l'électorat évangélique au Brésil, lequel pourtant "n'est ni discipliné ni uni". Un candidat évangélique au poste de gouverneur de l'Etat de Rio déclare "je ne veux pas évangéliser la politique, je veux politiser les évangéliques".
L'article résume l'influence des évangéliques ainsi : "Les évangéliques sont très courtisés car, depuis leur entrée en politique, lors de l'Assemblée constituante de 1986, ils ont doublé leur représentation parlementaire. Au Congrès, le "Front évangélique" compte 60 députés et 3 sénateurs, répartis entre six partis. Des chaînes de télévision et des radios relaient leur action.
C'est naturellement à Rio de Janeiro que le président Luiz Inacio Lula da Silva a reçu le soutien des évangéliques. Réunis dans le temple de Santa Cruz, 1200 pasteurs, dont Marcelo Crivella, ont approuvé le pasteur Manoel Ferreira, de l'Assemblée de Dieu : "Grâce à ses origines, Lula est le candidat le plus proche des pauvres", a-t-il déclaré.
Catholique, le candidat du PT avait bénéficié des voix évangéliques pour son élection en 2002. Son vice-président, José Alencar, dirige le Parti républicain brésilien, refuge des élus de l'Eglise universelle du royaume de Dieu. Le Mouvement progressiste évangélique est représenté au gouvernement par la ministre de l'environnement, Marina da Silva. Une autre évangélique, Benedita da Silva, a été ministre des affaires sociales.
Respectés pour leur action sociale dans les favelas (bidonvilles), les évangéliques ont été associés aux programmes gouvernementaux, comme les catholiques. Une loi de décembre 2003 a assuré la pérennité des Eglises évangéliques."
Rappelons que la candidate de la gauche radicale, fondatrice du Parti du Socialisme et de la Liberté (PSOL), Héloïsa Helena, est, elle, catholique fervente.
Ce sont des éléments à mettre dans la balance quant à l'appréciation du rôle réel de la religion - si seulement nos "marxistes" français, dont les connaisances de la tradition marxiste sur ce sujet ne vont pas plus loin que quelques citations tronquées de Marx, en étaient capables.
Tout cela me rappelle l'anecdote suivante. Un jour de 2005 j'assistais à un rassemblement de la gauche du Non au Traité constitutionnel européen à République. Nous écoutions des discours et diffusaient nos tracts - essentiellemnt à d'autres militants comme d'habitude. La foule était composée, toujours comme d'habitude, d'une majorité de membres des partis de gauche et des syndicats, la quarantaine passée voire plus, et naturellement très majoritairement "blanche". Parmi eux sans doute une écrasante majorité de laïcs, dont des militants 'national-républicains' convaincus du bien-fondé de la loi contre le port des signes religieux à l'école (ou même en dehors). Le MRC et l'UFAL y tenaient d'ailleurs un stand et diffusaient leur propagande bizarre sur la prétendue menace à la sacro-sainte laïcité française que représentait le Traité constitutionnel. Non pas le "plombier polonais" mais le "catholique polonais"!
Petit à petit, le bruit d'une manifestation évangélique - cris à la gloire de Jésus et chants religieux - commença à pénétrer nos cerveaux marxistes et républicains. Les manifestants - joyeux, bruyants et bien encadrés par un SO discret - contournaient la Place et ne manifestaient aucun intérêt pour le problème du TCE et les enjeux politiques du référendum. Ils étaient jeunes, femmes et hommes, enthousiastes et très majoritairement "non-blancs" (surtout des Afro-caribbéens, mais aussi pas mal de personnes de l'Asie du Sud, des Maghrébins ...). Les participants au rassemblement pour le Non ne se sont apparemment pas intérrogés sur le fait que la manifestation religieuse était non seulement plus importante que la leur, mais sans doute plus "prolétaire" (ou en tout cas plus "populaire") - et qu'elle était composée essentiellement de personnes appartenant à ces minorités opprimées qui sont particulièrement sous-représentées, voire absente, des manifestations traditionnelles des organisations ouvrières.
Curieux et surtout voulant mieux comprendre, je me suis rapproché, paquet de tracts en main, de la seconde manifestation, sans évidemment l'intention d'intervenir, ce qui était de toute façon "impensable" pour un militant "athée et marxiste" comme moi. Seulement, quelques imbéciles anti-libéraux commençèrent à insulter les manifestants évangéliques et de les traiter de "fascistes". Hors de moi, je me suis de nouveau rapproché des manifestants et j'ai commencé à diffuser quelques tracts et à tenter de les intéresser au sujet de notre rassemblement (les incitant à voter etc.). Ce fut un geste parfaitement inutile, bien sûr, mais vu l'intolérable sectarisme de mes camarades laïcs, cela me paraissait nécessaire. Très rapidement, j'ai été poliment mais fermement pris de côté par des membres du SO évangélique, mais aussi par un membre éminent de la minorité "foulard" de la LCR, qui pensait sans doute qu'un "révolutionnaire" ne devait pas s'associer de près ou de loin avec une telle manifestation - ou peut-être il avait tout bêtement peur qu'un membre de la majorité "ni loi ni foulard" de la Ligue m'aperçoive (ce dont d'ailleurs je me fichais complètement).
Comments:
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http://tunisie-harakati.mylivepage.com
La politique et la religion, pas normale ? La laïcité s'est mieux et la liberté encore plus.
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