19 juin 2006
MARXISME ET RELIGION (1)
Thomas Münzer, un prêtre 'révolutionnaire' qui rompt avec Luther et devient leader spritituel de la revolte des paysans en Allemagne. Son mysticisme s'accompagne d'une attitude plus que réaliste sur la nécessité de construire un rapport de force : « Le Christ à très solennellement ordonné (Saint Luc, 19,27) : saisissez-vous de mes ennemis et étranglez-les devant mes yeux... Ne nous objectez pas ces fades niaiseries que la puissance de Dieu le fera sans le secours de votre épée autrement elle pourrait se rouiller dans le fourreau. Car ceux qui sont opposés à la révélation de Dieu, il faut les exterminer sans merci de même qu'Ezéchias, Cyrus, Josias, Daniel et Elie ont exterminé les prêtres de Baal. Il n'est pas possible autrement de faire revenir l'Église chrétienne à son origine. » Lire F. Engels, La guerre des paysans en Allemagne.
INTRODUCTION
Le 'débat' dans l'extrême gauche sur la religion se réduit parfois à un dialogue de sourds. Défendre le droit à l'enseignement public des jeunes filles voilées et on est traité de "coupeur de gorges". Manifester le 8 mars avec des musulman(e)s progressistes et des féministes lancent des insultes ("ta mère aurait dû avorter!"). Considérer qu'une femme voilée puisse participer à des actions militantes aux côtés de révolutionnaires patentés 'laïcs' et c'est la crise, voire l'excommuniation. (Ce ne sont que quelques exemples vécus.) Il existe en France une véritable religion de la laïcité, ignorant tout non seulement de Marx et d'Engels (mise à part une phrase tronquée : la religion comme "opium du peuple") mais de toute une anthologie d'écrits par des théoriciens marxistes (Bernstein, Kautsky, Luxemburg, Lénine ...), des historiens (Tawney ...) et des sociologues non-marxistes (Weber ...). Cette série d'articles donnera des références pour permettre une meilleure compréhension de cette question. En quelque sorte, un retour à la tradition marxiste.
Michael Löwy, dans Karl Marx et Friedrich Engels comme sociologues de la religion (2000)démontre que la pensée des fondateurs du marxisme ne se limite pas à une attaque philosophique contre l'idéalisme réligieux mais qu'ils développent, de façon fragmentée comme dans beaucoup d'autres domaines, une analyse des rapports entre la religion et les rapports de classe à différentes époques (l'Antiquité avec le christianisme primitif, le Moyen Age avec les conflits entre l'Eglise officielle et les mouvements millénaristes, la guerre des paysans en Allemagne, la persistance d'un christianisme radical au sein du mouvement ouvrier ...). Ils ne manquent pas de souligner la nature complexe et contradictoire du phénomène religieux, source de passivité et de conformisme, mais aussi moteur de mouvements protestaires et révolutionnaires.
Claude Meunier, dans Socialisme International n° 9 (janvier 2004) : Marxisme et religion et La religion peut-elle être de gauche ? se situe sur la même ligne que Löwy, et donnent d'autres exemples de ces phénomènes.
F. Engels a dû sentir le besoin de continuer ses travaux au-delà du tombeau, car il a consacré du temps à la fin de sa vie à la question des origines du christianisme : Contributions à l'Histoire du Christianisme primitif (1894). La traduction est de Laura Marx-Lafargue.
Lénine, De l'attitude du parti ouvrier à l'égard de la religion (1909)
Rosa Luxemburg, Socialism and the Churches (1905). In this work, Luxemburg attacks the reactionary role of the clergy in contemporary Russia, and returns to the origins of Christianity, claiming that the early Christian church practised a form of communism. "But this communism was based on the consumption of finished products and not on work, and proved itself incapable of reforming society, of putting an end to the inequality between men and throwing down the barrier which separated rich from poor." In her conclusuion, she distinguishes clearly between Marxists' attitude to religious beliefs and their struggle against the political influence of the religious hierarchy : "/.../ the Social-Democracy in no way fights against religious beliefs. On the contrary, it demands complete freedom of conscience for every individual and the widest possible toleration for every faith and every opinion. But, from the moment when the priests use the pulpit as a means of political struggle against the working classes, the workers must fight against the enemies of their rights and their liberation. For he who defends the exploiters and who helps to prolong this present regime of misery, he is the mortal enemy of the proletariat, whether he be in a cassock or in the uniform of the police."
SOCIALISME ET RELIGION : Cours de Jean Longuet à l’École socialiste (1930). Longuet, qui est le fils de Jenny Marx, est considéré comme un "centriste" par les Bolcheviques. Il rejoint la SFIO maintenue (le PS) après le Congrès de Tours. Longuet partage l'opinion de la majorité des socialistes de l'époque, de Jaurès à Lénine en passant par Luxemburg, que la lutte purement anti-cléricale était une lutte bourgeoise ; que le parti devait accueillir dans ses rangs tout travailleur qui était d'accord avec son programme, qu'il soit croyant ou pas ; que les socialistes défendaient la liberté de la religion tout en combattant politiquement l'Eglise. De là, il est cependant relativement facile à glisser vers une position qui consiste à chercher des convergences entre le marxisme et les idées généreuses de certains religieux. Longuet semble également influencé par l'idée que les Bolcheviques prônaient une politique anti-religieuse autoritaire, alors que Lénine et Trotski étaient opposés à de tels excès. Il est vrai qu'en 1930, Staline est déjà au pouvoir ...
Voici un extrait de l'exposé : "Politiquement, l’Église s’est toujours opposée à l’esprit de la Révolution. Elle a soulevé la Vendée contre la République ; elle s’est associée à fond avec les réactionnaires de la Restauration ; elle a soulevé contre elle le mouvement de 1830. En 1848, quelques ministres catholiques ont paru se rapprocher du peuple ; mais tout de suite après ils ont rallié le parti de l’ordre /.../ et nous avons vu de ces prêtres plein de haine, excitant les passions pendant l’Affaire Dreyfus. Il faut tenir compte de cet état d’esprit et ne pas abandonner la revendication de la laïcité de l’école, ne pas nous laisser ravir la liberté de conscience ... mais nous ne voulons pas à notre tour nous montrer intolérants et entrer en lutte avec les idées religieuses. Notre but est la transformation sociale ; nous croyons que dans un milieu plus libre, les idées se modifient ; à l’inverse, le radicalisme [parti bourgeois anti-clérical] professe qu’il est nécessaire de modifier les idées d’abord. Il paraît impossible que le parti se place maintenant sur le terrain sur lequel se plaçait le parti blanquiste, et d’ailleurs selon le mot d’Engels «on ne saurait rendre à Dieu de plus grand service que de déclarer l’athéisme obligatoire»."
En anglais : Cliff Slaughter, Religion and Social Revolt, dans Labour Review, July 1958. Une longue critique de deux livres qui traite des bases sociales des mouvements religieux radicaux: Peter Worsley, The Trumpet Shall Sound. A study of Cargo Cults in Melanesia (MacGibbon and Kee, 1957); Norman Cohn, The Pursuit of the Millennium (Seeker and Warburg. 1957).
INTRODUCTION
Le 'débat' dans l'extrême gauche sur la religion se réduit parfois à un dialogue de sourds. Défendre le droit à l'enseignement public des jeunes filles voilées et on est traité de "coupeur de gorges". Manifester le 8 mars avec des musulman(e)s progressistes et des féministes lancent des insultes ("ta mère aurait dû avorter!"). Considérer qu'une femme voilée puisse participer à des actions militantes aux côtés de révolutionnaires patentés 'laïcs' et c'est la crise, voire l'excommuniation. (Ce ne sont que quelques exemples vécus.) Il existe en France une véritable religion de la laïcité, ignorant tout non seulement de Marx et d'Engels (mise à part une phrase tronquée : la religion comme "opium du peuple") mais de toute une anthologie d'écrits par des théoriciens marxistes (Bernstein, Kautsky, Luxemburg, Lénine ...), des historiens (Tawney ...) et des sociologues non-marxistes (Weber ...). Cette série d'articles donnera des références pour permettre une meilleure compréhension de cette question. En quelque sorte, un retour à la tradition marxiste.
Michael Löwy, dans Karl Marx et Friedrich Engels comme sociologues de la religion (2000)démontre que la pensée des fondateurs du marxisme ne se limite pas à une attaque philosophique contre l'idéalisme réligieux mais qu'ils développent, de façon fragmentée comme dans beaucoup d'autres domaines, une analyse des rapports entre la religion et les rapports de classe à différentes époques (l'Antiquité avec le christianisme primitif, le Moyen Age avec les conflits entre l'Eglise officielle et les mouvements millénaristes, la guerre des paysans en Allemagne, la persistance d'un christianisme radical au sein du mouvement ouvrier ...). Ils ne manquent pas de souligner la nature complexe et contradictoire du phénomène religieux, source de passivité et de conformisme, mais aussi moteur de mouvements protestaires et révolutionnaires.
Claude Meunier, dans Socialisme International n° 9 (janvier 2004) : Marxisme et religion et La religion peut-elle être de gauche ? se situe sur la même ligne que Löwy, et donnent d'autres exemples de ces phénomènes.
F. Engels a dû sentir le besoin de continuer ses travaux au-delà du tombeau, car il a consacré du temps à la fin de sa vie à la question des origines du christianisme : Contributions à l'Histoire du Christianisme primitif (1894). La traduction est de Laura Marx-Lafargue.
Lénine, De l'attitude du parti ouvrier à l'égard de la religion (1909)
Rosa Luxemburg, Socialism and the Churches (1905). In this work, Luxemburg attacks the reactionary role of the clergy in contemporary Russia, and returns to the origins of Christianity, claiming that the early Christian church practised a form of communism. "But this communism was based on the consumption of finished products and not on work, and proved itself incapable of reforming society, of putting an end to the inequality between men and throwing down the barrier which separated rich from poor." In her conclusuion, she distinguishes clearly between Marxists' attitude to religious beliefs and their struggle against the political influence of the religious hierarchy : "/.../ the Social-Democracy in no way fights against religious beliefs. On the contrary, it demands complete freedom of conscience for every individual and the widest possible toleration for every faith and every opinion. But, from the moment when the priests use the pulpit as a means of political struggle against the working classes, the workers must fight against the enemies of their rights and their liberation. For he who defends the exploiters and who helps to prolong this present regime of misery, he is the mortal enemy of the proletariat, whether he be in a cassock or in the uniform of the police."
SOCIALISME ET RELIGION : Cours de Jean Longuet à l’École socialiste (1930). Longuet, qui est le fils de Jenny Marx, est considéré comme un "centriste" par les Bolcheviques. Il rejoint la SFIO maintenue (le PS) après le Congrès de Tours. Longuet partage l'opinion de la majorité des socialistes de l'époque, de Jaurès à Lénine en passant par Luxemburg, que la lutte purement anti-cléricale était une lutte bourgeoise ; que le parti devait accueillir dans ses rangs tout travailleur qui était d'accord avec son programme, qu'il soit croyant ou pas ; que les socialistes défendaient la liberté de la religion tout en combattant politiquement l'Eglise. De là, il est cependant relativement facile à glisser vers une position qui consiste à chercher des convergences entre le marxisme et les idées généreuses de certains religieux. Longuet semble également influencé par l'idée que les Bolcheviques prônaient une politique anti-religieuse autoritaire, alors que Lénine et Trotski étaient opposés à de tels excès. Il est vrai qu'en 1930, Staline est déjà au pouvoir ...
Voici un extrait de l'exposé : "Politiquement, l’Église s’est toujours opposée à l’esprit de la Révolution. Elle a soulevé la Vendée contre la République ; elle s’est associée à fond avec les réactionnaires de la Restauration ; elle a soulevé contre elle le mouvement de 1830. En 1848, quelques ministres catholiques ont paru se rapprocher du peuple ; mais tout de suite après ils ont rallié le parti de l’ordre /.../ et nous avons vu de ces prêtres plein de haine, excitant les passions pendant l’Affaire Dreyfus. Il faut tenir compte de cet état d’esprit et ne pas abandonner la revendication de la laïcité de l’école, ne pas nous laisser ravir la liberté de conscience ... mais nous ne voulons pas à notre tour nous montrer intolérants et entrer en lutte avec les idées religieuses. Notre but est la transformation sociale ; nous croyons que dans un milieu plus libre, les idées se modifient ; à l’inverse, le radicalisme [parti bourgeois anti-clérical] professe qu’il est nécessaire de modifier les idées d’abord. Il paraît impossible que le parti se place maintenant sur le terrain sur lequel se plaçait le parti blanquiste, et d’ailleurs selon le mot d’Engels «on ne saurait rendre à Dieu de plus grand service que de déclarer l’athéisme obligatoire»."
En anglais : Cliff Slaughter, Religion and Social Revolt, dans Labour Review, July 1958. Une longue critique de deux livres qui traite des bases sociales des mouvements religieux radicaux: Peter Worsley, The Trumpet Shall Sound. A study of Cargo Cults in Melanesia (MacGibbon and Kee, 1957); Norman Cohn, The Pursuit of the Millennium (Seeker and Warburg. 1957).
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