26 décembre 2008

 

Harold Pinter : Discours d'acceptation du Prix Nobel de la littérature (2005)

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Harold Pinter est mort. En guise d'hommage, voici la traduction française de son célèbre discours de 2005.

Pinter était non seulement un dramaturge révolutionnaire, au sens qu'il a révolutionné l'art d'écrire des pièces de théâtre, mais il était un farouche opposant à la guerre américaine et britannique en Irak.

La vérité au théâtre est à jamais insaisissable. Vous ne la trouvez jamais tout à fait, mais sa quête a quelque chose de compulsif.Cette quête est précisément ce qui commande votre effort. Cette quête est votre tâche. La plupart du temps vous tombez sur la vérité par hasard dans le noir, en entrant en collision avec elle, ou en entrevoyant simplement une image ou une forme qui semble correspondre à la vérité, souvent sans vous rendre compte que vous l’avez fait. Mais la réelle vérité, c’est qu’il n’y a jamais, en art dramatique, une et une seule vérité à découvrir. Il y en a beaucoup. Ces vérités se défient l’une l’autre, se dérobent l’une à l’autre, se reflètent, s’ignorent, se narguent, sont aveugles l’une à l’autre. Vous avez parfois le sentiment d’avoir trouvé dans votre main la vérité d’un moment, puis elle vous glisse entre les doigts et la voilà perdue.
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L’invasion de l’Irak était un acte de banditisme, un acte de terrorisme d’État patenté, témoignant d’un absolu mépris pour la notion de droit international. Cette invasion était un engagement militaire arbitraire inspiré par une série de mensonges répétés sans fin et une manipulation flagrante des médias et, partant, du public ; une intervention visant à renforcer le contrôle militaire et économique de l’Amérique sur le Moyen-Orient et se faisant passer – en dernier ressort – toutes les autres justifications n’ayant pas réussi à prouver leur bien-fondé – pour une libération. Une red outable affirmation de la force militaire responsable de la mort et de la mutilation de milliers et de milliers d’innocents.

Nous avons apporté au peuple irakien la torture, les bombes à fragmentation, l’uranium appauvri, d’innombrables tueries commises au hasard, la misère, l’humiliation et la mort et nous appelons cela « apporter la liberté et la démocratie au Moyen-Orient ».

Combien de gens vous faut-il tuer avant d’avoir droit au titre de meurtrier de masse et de criminel de guerre ? Cent mille ? Plus qu’assez, serais-je tenté de croire. Il serait donc juste que Bush et Blair soient appelés à comparaître devant la Cour internationale de justice. Mais Bush a été malin. Il n’a pas ratifié la Cour internationale de justice. Donc, si un soldat américain ou, à plus forte raison, un homme politique américain, devait se retrouver au banc des accusés, Bush a prévenu qu’il enverrait les marines. Mais Tony Blair, lui, a ratifié la Cour et peut donc faire l’objet de poursuites.Nous pouvons communiquer son adresse à la Cour si ça l’intéresse. Il habite au 10 Downing Street, Londres.


Harold Pinter (1930- 2008), by Mark Brown

Dans La République des Lettres : Qui est Harold Pinter ?

Poète, metteur en scène, scénariste pour le cinéma, Harold Pinter est né le 10 octobre 1930 à Londres (Royaume-Uni). Fils unique d'un modeste tailleur juif d'origine russe, il grandit dans l'East End, un quartier juif populaire frappé par le chômage, la crise sociale, la pauvreté, la violence et bientôt les bombardements de l'armée allemande. En 1948, révulsé par tout ce qui touche à la guerre, il refuse d'effectuer son service militaire et entame des études à l'Ecole Nationale d'Art Dramatique de Londres. /.../

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