09 mai 2007

 

QUELQUES REFLEXIONS APRES L'ELECTION DE N. SARKOZY

Des anti-sarkozystes indomptables à la Bastille, 7 mai 2007
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Il y a un grand risque dans la situation actuelle – qui est bien sûr grave – de démoralisation des militants. A entendre certains, nous avons subi une défaite historique, comparable à la victoire du nazisme en 1933. Il faut rester calme : Sarkozy est élu avec 53% des voix, c’est beaucoup trop, c’est surtout une majorité qui lui donne beaucoup de pouvoir - une majorité qui peut encore grandir lors des législatives -, mais ne réagissons pas comme si les 47% qui ont voté Royal (68% à Saint-Denis !) n’existaient pas.

Sarkozy a convaincu beaucoup d’électeurs des classes populaires à voter pour lui, mais ils ne seront pas nécessairement convaincus par les mesures qu’il prendra : cadeaux pour les riches, mesures qui favorisent le patronat et affaiblissent les syndicats, coupes budgétaires, répression policière, politique étrangère pro-américaine, relance de l’Europe libérale etc. Ses certitudes morales, le mirage d’une économie florissante où tout le monde pourra réussir, l’ont permis de marquer des points, mais seulement dans la mesure où l’opposition socialiste ne présentait pas de programme global de transformation sociale et faisait une campagne peu enthousiasmante.

Le populisme éhonté de Sarkozy est la preuve même que son entreprise est risquée. Un candidat de droite qui va dans le Nord parler de Jaurès et de la dignité du travail, qui promet quelques mesures sociales, qui jure qu’il « ne laissera personne au bord de la route » … Une telle (im)posture démontre que sa marge de manœuvre (comment satisfaire à la fois aux revendications du Medef et aux besoins de son électorat populaire ?) est beaucoup plus faible que nous ne le croyons.

A-t-il carte blanche pour imposer toutes les mesures que veut le patronat ? Il pourra évidemment taper facilement sur les plus faibles ou les plus marginalisés politiquement – les sans papiers, les jeunes des cités. Mais ses contre-réformes pourraient se heurter à une résistance massive. Sa « légitimité » est basée sur une majorité assez relative à un moment donné, la moindre erreur de jugement due par exemple à une surestimation de sa popularité, ou un accident de parcours, peut la remettre en cause. En 1979, Margaret Thatcher a été élue dans des conditions assez similaires, trois ans plus tard elle était au plus bas dans les sondages. Elle a été « sauvée » entre autres par les généraux argentins (guerre des Malouines) et la faiblesse des directions syndicales et travailliste ; plusieurs fois pendant la grande grève des mineurs elle se croyait en danger de perdre ; elle a fini par commettre l’erreur monumentale de la Poll Tax.

Que dire donc des réactions du PS, fort de son hégémonie sur la gauche et ses 16,8 millions de voix au 2ème tour ? Ses dirigeants s’empressent de reconnaître la légitimité du nouveau président et lui souhaitent même « bonne chance » (DSK), au lieu de dire que tout ce qu’on souhaite au nouveau président c’est d’échouer le plus rapidement possible. Un porte-parole socialiste interrogé sur France Inter ne souhaite pas une victoire de la gauche aux législatives (« une nouvelle cohabitation ne serait pas une bonne chose pour la France »). Est-ce comme cela qu’on gagne des voix ? Le groupe dirigeant tente de sauver les meubles en défendant la « belle campagne » de Royal et en persistant dans la même voie de « renouvellement » du socialisme français (en fait, une adaptation de plus en plus ouverte au libéralisme). D’autres veulent accélérer la droitisation du parti, au nom du « réalisme » et de l’ « inévitabilité du libéralisme », et louchent ouvertement vers le centre. Aux militants du PS nous devons dire, « est-ce avec des dirigeants comme cela que nous renouerons avec la victoire ? »

Ceci est d’autant plus important que la défaite de Royal provoquera nécessairement un débat approfondi à l’intérieur du PS. La gauche antilibérale doit éviter tout sectarisme à l’égard des électeurs et des militants socialistes, tout en expliquant clairement en quoi elle n’est pas d’accord avec la stratégie et le programme du parti. Il existe des gens et des tendances de gauche dans le PS, et cela se verra chaque fois que la direction prendra un tournant à droite. Malgré leurs insuffisances et leurs illusions, nous devons les encourager et engager un dialogue avec eux. Aux législatives, nous devons présenter ou soutenir le maximum de candidats crédibles pour faire entendre une voix clairement antilibérale et contester le leadership du PS, mais pour le 2ème tour il ne peut pas y avoir d’ambiguïté : nous sommes pour battre le candidat de la droite, donc dans tous les cas pour soutenir le candidat de la gauche qui arrive en tête.

L’extrême gauche, malgré sa baisse, peut représenter une force importante dans la résistance (score relativement élevé de Besancenot, capacité de mobilisation, liens avec la jeunesse …). Malheureusement toutes les directions des partis d’extrême gauche sont tentées par des dérives gauchistes et sectaires. Se présenter, comme veut LO et peut-être la LCR, dans la quasi-totalité des circonscriptions, même là où elle n’a aucune base militante, que cela soit simplement pour « faire passer des idées révolutionnaires » ou toucher €1,60 par voix, c’est se moquer du monde. Il faut se battre partout pour des candidatures unitaires - ou les plus unitaires possibles.

La LCR se vante de ces 4,1% des voix au 1er tour, considérant son très relatif succès (en fait, un recul moins important que ses « concurrents ») comme plus significatif que la défaite de la gauche dans son ensemble. A quoi bon « prendre la direction » de la gauche radicale si celle-ci est complètement marginalisée ? La majorité de la LCR cherche des différences avec José Bové au-delà de celles qui existent réellement et qui doivent être discutées. Sa dernière trouvaille montre qu’elle n’a pas peur du ridicule : « Bové s’affiche avec Royal. Il appelle à voter pour elle et non contre Sarkozy » ! Elle conclut que la Ligue ne doit pas « s’afficher avec les représentants locaux de Bové », sauf « à minima » s’ils prennent « publiquement leurs distances » avec Bové. (Lettre Rouge, 4 mai 2007).

En fait, tout donne l’impression que l’ambition principale de la Ligue est de marquer des points par rapport à ses « concurrents » de la gauche radicale. C’est un objectif bien modeste – dérisoire même – pour un parti révolutionnaire et pas du tout à la hauteur de la situation. Heureusement qu’il existe une minorité de la LCR qui a gardé un sens de la réalité politique.

Il est largement insuffisant d’appeler à un regain des luttes, ou de prôner l’unité dans la rue sans avoir de stratégie politique autre que de compter ses propres voix. Les défaites électorales ne donnent jamais confiance aux travailleurs pour se battre, seules les erreurs du gouvernement ou les provocations du patronat et une direction syndicale déterminée sont capables de le faire. Les premières sont inévitables, mais on ne peut pas les prédire à l’avance. La deuxième condition est loin d’être remplie : même la CGT parle de la « légitimité démocratique » de Sarkozy et ne demande – très humblement d’ailleurs – qu’une « concertation » ou éventuellement (pourquoi pas ?) des « négociations » avec le gouvernement.

Nous devons donc travailler sur la durée pour rebâtir les syndicats, soutenir tous les travailleurs qui se mettent en lutte, comme tous les groupes qui résistent (jeunes, sans papiers …), retisser les liens sociaux dans les quartiers, renforcer les réseaux militants, contrer les arguments qu’ « il n’y a pas d’alternative », poursuivre la recomposition de la gauche sur des bases antilibérales, etc. Et lutter à la fois contre le défaitisme et le sectarisme.

Saint-Denis, 9 mai 2007 lepoireaurouge @ laposte.net

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L'élection de Sarkozy n'est pas aussi claire que l'Ump voudrait le faire croire. Pendant la campagne, tout a été fait pour éviter le débat sur le fond et la confrontation des programmes. Les chimères nationalistes ont masqué l'ambition de continuer les privatisations, de généraliser les contrats précaires, etc. Il serait donc faux de dire que le programme réactionnaire de la droite, qui est exclusivement au service de la classe dominante, a été approuvé largement.
Ce système dit "représentatif" n'est pas une démocratie, mais une confiscation du politique. La population est dépossédée de l'élaboration des propositions, ainsi que des tenants et aboutissants des enjeux réels. Le débat politique est pour l'essentiel remplacé par des confrontations de "communiquants" (novlangue pour "publicitaire") et des jugements sur les "personnalités" - l'analyse du caractère, supposé ou réel, d'un candidat remplaçant souvent celle des politiques à venir.
Le nouveau monarque-président souhaite poursuivre, en l'aggravant, la politique injuste et violente menée par son parti depuis 5 ans. Cette politique est en contradiction directe avec les intérêts de la majorité de la population (travailleurs, chômeurs, étudiants...).
Face à la radicalisation de la droite, c'est le mouvement de l'immense majorité qui peut mettre en échec cette politique de reculs, et aller vers la conquête de la démocratie, ce qui implique de ne pas laisser en place un pouvoir qui est contre la majorité du peuple.
Après l'élection de Sarkozy, comme avant, l'espoir réside dans les luttes sociales menées démocratiquement, qui sont des créations collectives qui permettent d'empêcher les attaques et parfois de conquérir des avancées concrètes, des progrès sociaux, des avancées de civilisation.
Pour ne pas se résigner à 5 ans ferme de droite réactionnaire, il nous faut ne pas attendre 2012, poursuivre les mobilisations face à l'Etat-Ump, et ne pas hésiter à passer à la contre-offensive.
Par une prise de conscience progressive, par l'appropriation collective de la politique, le pouvoir de quelques uns peut être remplacé par une démocratie directe.

http://democom.neuf.fr/
 
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