13 mars 2007

 

L’ALTERNATIVE BOVE

Par Raoul Marc Jennar

On me demande souvent « mais en quoi la candidature de Bové apporte-t-elle quelque chose d’original, à gauche ; en quoi est-elle différente des autres candidatures antilibérales ? » Pourtant, quand on connaît José Bové, quand on connaît la démarche unitaire dans laquelle il s’est inscrit dès octobre 2004 en co-signant « l’Appel des 200 » à dire non à la Constitution européenne et ce qui a suivi, l’originalité de la candidature de José saute aux yeux. Sa candidature est d’abord une candidature citoyenne ; c’est ensuite celle de l’insurrection électorale. C’est, à gauche, la seule candidature de rassemblement. C’est la voix de ceux qu’on n’écoute pas. C’est aussi une candidature trait d’union. C’est enfin une candidature pour les défis que ce siècle pose à la démocratie.

Une candidature citoyenne : un simple citoyen, confronté à l’injustice de règlements européens et internationaux s’est levé pour les dénoncer et les combattre. Il a montré le chemin de la rébellion non violente pour dénoncer la « malbouffe » et le danger des règles de l’OMC. Sa candidature, c’est le prolongement naturel d’un combat où nous nous sommes retrouvés à ses côtés à Millau, à Seattle, à Porto Alegre, sur le Larzac et partout en France, en Europe et dans le monde où le néolibéralisme nie la dignité qui est en chaque être humain.

La candidature de l’insurrection électorale : la candidature de José Bové signifie : voter, c’est poser un acte qui donne du pouvoir. C’est affirmer que chacune et chacun nous avons plus d’influence qu’on veut bien le dire. Même si la démarche électorale de gauche doit toujours s’accompagner d’un puissant mouvement social pour aboutir à ses objectifs, le vote donne un vrai pouvoir à celles et ceux qui veulent s’en servir. Le 29 mai 2005 l’a démontré.

La seule candidature de rassemblement : aucun candidat de gauche ne peut se prévaloir, comme José Bové, d’être porté par des dizaines de milliers de femmes et d’hommes sans adhésion à un parti et, en même temps, d’être soutenu par des milliers de sympathisants du PS, des Verts, des Alternatifs, du PCF et de la LCR, par des élus de ces formations politiques, par des partisans d’un questionnement sur la croissance, par des militants syndicaux, par des militants associatifs, par des intellectuels et des artistes. C’est la seule candidature qui puisse se prévaloir d’un tel rassemblement.

La voix des sans voix : José Bové est incontestablement, sans qu’il ait été besoin de lancer des opérations médiatiques pour le faire croire, la voix des quartiers et des banlieues au sein desquels, spontanément, se sont créés des comités en faveur de sa candidature. C’est la voix de ceux qui désespéraient de la politique et qui se reconnaissent dans un rebelle pacifique qui ne se sert pas d’eux.

Une candidature trait d’union : José Bové incarne, comme personne d’autre, le lien entre les luttes sociales et ce qu’on a appelé un temps les nouvelles questions de société et qui sont, notamment, les questions du cadre de vie et du rapport de l’humain avec la nature. Cette candidature est aussi verte que rouge et aussi rouge que verte. Elle incarne cette gauche lucide qui affirme que le productivisme libéral détruit l’environnement et qu’il n’est pas possible de combattre les nuisances si on ne combat pas en même temps le système qui les produit.

Une candidature pour l’avenir : José Bové porte une immense espérance. Il n’est le candidat d’aucun parti et il rassemble au-delà des logiques et des intérêts d’appareils qui ont si souvent divisé le peuple de gauche. Il porte l’espérance d’une nouvelle manière d’agir ensemble dans l’espace public, d’une refondation de la démocratie qui ne sera plus confisquée. Face au déclin de la démocratie, cette candidature, c’est celle qu’attendent les milliers de femmes et d’hommes qui ont réinvesti l’espace public pendant la campagne contre le Traité constitutionnel européen sans pour autant appartenir à un parti.

Une candidature collective : la candidature de José Bové s’inscrit dans une démarche dont il n’est qu’un des porte-parole. Cette démarche poursuit, malgré les replis partisans de certains, la volonté de construire une nouvelle gauche de transformation sociale. Comme nous le disons souvent, José Bové, c’est le nom qu’il faut mettre sur le bulletin de vote lors de l’élection présidentielle parce qu’il ne peut y en avoir qu’un seul. Mais à ses côtés, il y a des porte-parole représentatifs de toutes les sensibilités qui s’associent à un projet collectif.

Ce projet est né d’un travail commun, intense et inédit, au sein de plus de 800 collectifs locaux qui, ensemble, ont pendant des mois débattu et finalement adopté 125 propositions pour une alternative antilibérale. Ces propositions constituent une base que nous complétons, que nous enrichissons, que nous améliorons au travers des débats citoyens que nous avons entrepris bien avant que d’autres découvrent, un peu tard, les mérites de la démocratie participative. Les grands axes de notre projet sont issus des 125 propositions et des débats qui se poursuivent.

Notre ambition est d’offrir aux libéralismes de droite et de gauche une véritable alternative démocratique, sociale, féministe, environnementale, antiraciste et solidaire. Ce qui implique non seulement des choix clairs sur les contenus, mais également sur nos rapports avec la direction du PS.

Nous n’avons aucune affinité avec le programme du PS et les propositions de sa candidate. Plus que la droite, le PS, de 1983 à 2002, a été le concepteur, le négociateur et le signataire des principaux textes nationaux et européens qui sont à la base du capitalisme dérégulé et financiarisé que nous subissons. C’est le PS qui a fait voter la loi de dérégulation financière de 1986. C’est le socialiste Jacques Delors qui est à l’origine de l’Acte unique européen et du Traité de Maastricht, deux traités qui empêchent l’Europe sociale et poussent à la destruction des services publics. C’est le socialiste Lionel Jospin qui a apporté sa contribution à la stratégie de Lisbonne et aux accords de Barcelone qui sont à l’origine de la proposition Bolkestein et de la privatisation d’EDF-GDF. C’est le gouvernement Jospin, cette gauche plurielle, qui a plus privatisé que les gouvernements Balladur et Juppé réunis. En 2005, Ségolène Royal a défendu avec ardeur un projet de société profondément néolibéral pour la France et l’Europe. Le PS n’a procédé à aucun bilan, à aucune remise en question de ces années de démantèlement des acquis sociaux et d’affaiblissement de l’État. Au contraire, il persiste. Et s’aligne sur celui, issu de ses rangs, qui dirige aujourd’hui l’Organisation Mondiale du Commerce.

Nous sommes fidèles à la responsabilité que nous avons prise en appelant au rejet de la Constitution européenne. Et nous entendons rester cohérents avec nos choix. Nous ne serons pas d’un gouvernement dirigé par le Parti socialiste. Nous ne serons pas d’une majorité parlementaire autour du Parti socialiste. Nous entendons, à partir de l’élection présidentielle, créer une dynamique qui débouchera, aux élections législatives, sur un nouveau rapport de forces à gauche susceptible de nous permettre, en gardant les mains libres, de peser sur les choix qui seront à faire à l’Assemblée nationale. Et nous ne nous isolerons pas davantage dans une opposition systématique.

C’est sur cet engagement dépourvu de toute ambiguïté que nous entendons porter notre projet et solliciter l’appui des Françaises et des Français. C’est sur cet engagement que nous voulons construire l’espoir.

Raoul Marc JENNAR, militant altermondialiste, porte-parole de la campagne de José Bové
12 mars 2007

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