20 mars 2007
Avec Bové, pour l’unité
Bonjour à tous
Ci-dessous éditorial du nouveau numéro de notre revue, Socialisme International. N'hésitez pas à faire circuler.
John Mullen
A l’heure où nous écrivons, la campagne présidentielle bat son plein et la priorité absolue est de battre la droite sarkozyste. Le danger devient chaque jour plus clair – l’annonce de «’identité nationale» comme cheval de bataille pour Sarkozy est la dernière horreur. Il prévoit une offensive de grande ampleur contre les immigrés, mais aussi contre les travailleurs et les jeunes.
La campagne de Royal peine à attirer les classes populaires, tant il est évident que son projet se limite à un accompagnement social des attaques néolibérales. Le PS, incapable de proposer de radicales améliorations de nos vies, s’est converti à la «démocratie participative», comme s’il fallait 5000 réunions de quartier pour connaître les revendications du «peuple», qui veut des emplois et des services publics. Royal a remarqué «un profond désir d’avenir» et propose «un ordre juste pour que la France se relève». On renouvelle la langue de bois, mais cela nous avance peu.
Royal n’est pas Blair. Blair et ses supporters ont réussi à détruire la gauche du parti travailliste avant de se mettre au gouvernement, avec des slogans comme «Nous sommes le parti du milieu des affaires», et en promettant de ne pas toucher aux lois antisyndicales de Thatcher. Blair passe ses vacances dans les châteaux des milliardaires de la presse réactionnaire, et soutient avec enthousiasme toutes les guerres de Bush. Dans le PS, Royal n’est qu’au tout début d’un tel processus – les adhésions à 20 euros visaient à diluer le milieu militant du parti, par exemple. Mais la gauche du PS est encore assez puissante, et combinée à la force du mouvement anti-CPE, elle fournit une pression qui a obligé Royal à introduire des mesures de gauche dans son programme (logements sociaux, SMIC, objectif 17 élèves par classe en ZEP…), à côté des mesures de droite (encore des cadeaux aux entreprises, visées sécuritaires). Pour le grand dossier – les salaires et le pouvoir d’achat - elle compte sur les directions syndicales pour l’aider à limiter encore plus les hausses salariales, en jouant sur la peur d’un retour de la droite (proposition d’une conférence salariale) .
La montée dans les sondages de Bayrou, vieux routard de la droite, reflète un rejet du jusqu’auboutisme réactionnaire de Sarkozy, mais aussi une déception à l’égard de la politique du précédent gouvernement socialiste.
Il fallait absolument une candidature unitaire de la gauche antilibérale. La demande était immense. L’unité a été cassée par le sectarisme du courant majoritaire de la LCR, et par les méthodes d’un autre temps de Marie Georges Buffet. Lorsqu’elle a déposé, le 16 mars, 800 signatures de maires, alors que Besancenot et Bové peinaient à réunir les 500, on a vu ce que valaient ses désirs d’unité…
La direction de la LCR l’a aidée en suivant un chemin sectaire. Au lieu d’une implication active dans un front électoral au sein duquel il y avait toute liberté d’exprimer des nuances et des mises en garde (contre une nouvelle gauche plurielle entre autres), elle a préféré insister sur des «divergences» . Surtout sa vision – on ne peut s’unir que si tous promettent de ne jamais entrer dans un gouvernement PS – est celle de la politique par en haut. Ce qui compte ce sont les milliers de militants avec qui la LCR dans son ensemble aurait pu travailler et – surtout en cas d’éventuelles trahisons de dirigeants PCF – auxquels elle aurait pu démontrer l’intérêt de l’analyse révolutionnaire.
Qui plus est, l’analyse des divergences de la part de la direction de la LCR était parfois extrêmement tirée par les cheveux – qui croit vraiment que le rêve de José Bové est de devenir ministre de Ségolène Royal? Ou qu’il pourrait surgir de la campagne Bové un culte de la personnalité? Depuis l’annonce de la campagne Bové, les critiques sectaires fusent dans les milieux LCR. Entre temps, Bové déclare (le 19 mars) « Ma candidature, collective, est celle de tous les citoyens qui veulent changer vraiment la vie et qui ne font confiance ni à la droite antisociale ni à la gauche social-libérale pour engager la révolution sociale, féministe, démocratique, anti-raciste et écologique. » La direction de la LCR peut-elle vraiment prétendre qu’un travail commun était impossible ?
Leur erreur de perspective combinait un certain sectarisme identitaire avec un électoralisme. Les quelques pour cent de suffrages qu’on pouvait grignoter à l’aide d’un candidat vitrine de nos positions leur semblaient plus importants que la construction de réseaux de militant(e)s, garanties pour les durs combats sociaux et politiques à venir.
Les meetings organisés autour de la campagne de José Bové furent plus intéressants. Des meetings de masse, des appels à «l’insurrection électorale», une large participation d’associations des quartiers populaires–ils sentaient le combat plus que le positionnement médiatique.
La crise de la gauche antilibérale est profonde, mais présente une occasion historique. Les Communistes unitaires s’organisent et s’adressent ouvertement à ceux qui se reconnaissent dans l’idée communiste, adhérents au PCF ou non. Une minorité de la LCR et des Verts refusent d’enterrer l’unité. Le potentiel d’un nouvel espace politique qui peut à terme donner lieu à un nouveau parti anticapitaliste est réel.
Les deux victoires de ces dernières années (défaite du traité européen ultralibéral et du Contrat Première Embauche) ont politisé des dizaines de milliers de personnes, dont la majorité ne se retrouve pas dans les organisations éparpillées de la gauche antilibérale.
A Socialisme International, même si la plupart de nos camarades sont à la LCR, nous avons pensé que la présence d’une candidature unitaire était indispensable, c’est pour cela que nous nous impliquons au maximum dans la campagne Bové.
Autour de cette campagne pour une gauche radicale unitaire, il faut, d’urgence, élargir et approfondir l’organisation de réseaux structurés pour les législatives, et surtout pour les différents combats dans les mois à venir. Que nous nous retrouvions en juin avec un gouvernement UMP ou PS, les contre-réformes néolibérales attendent, certaines ayant été mises en veille après la raclée qu’ont reçue gouvernements et patrons sur le CPE.
Une telle priorité de l’unité ne signifie évidemment pas taire les désaccords, et les révolutionnaires ont toute leur place dans les mobilisations et les débats qui marqueront la prochaine période.
Ci-dessous éditorial du nouveau numéro de notre revue, Socialisme International. N'hésitez pas à faire circuler.
John Mullen
A l’heure où nous écrivons, la campagne présidentielle bat son plein et la priorité absolue est de battre la droite sarkozyste. Le danger devient chaque jour plus clair – l’annonce de «’identité nationale» comme cheval de bataille pour Sarkozy est la dernière horreur. Il prévoit une offensive de grande ampleur contre les immigrés, mais aussi contre les travailleurs et les jeunes.
La campagne de Royal peine à attirer les classes populaires, tant il est évident que son projet se limite à un accompagnement social des attaques néolibérales. Le PS, incapable de proposer de radicales améliorations de nos vies, s’est converti à la «démocratie participative», comme s’il fallait 5000 réunions de quartier pour connaître les revendications du «peuple», qui veut des emplois et des services publics. Royal a remarqué «un profond désir d’avenir» et propose «un ordre juste pour que la France se relève». On renouvelle la langue de bois, mais cela nous avance peu.
Royal n’est pas Blair. Blair et ses supporters ont réussi à détruire la gauche du parti travailliste avant de se mettre au gouvernement, avec des slogans comme «Nous sommes le parti du milieu des affaires», et en promettant de ne pas toucher aux lois antisyndicales de Thatcher. Blair passe ses vacances dans les châteaux des milliardaires de la presse réactionnaire, et soutient avec enthousiasme toutes les guerres de Bush. Dans le PS, Royal n’est qu’au tout début d’un tel processus – les adhésions à 20 euros visaient à diluer le milieu militant du parti, par exemple. Mais la gauche du PS est encore assez puissante, et combinée à la force du mouvement anti-CPE, elle fournit une pression qui a obligé Royal à introduire des mesures de gauche dans son programme (logements sociaux, SMIC, objectif 17 élèves par classe en ZEP…), à côté des mesures de droite (encore des cadeaux aux entreprises, visées sécuritaires). Pour le grand dossier – les salaires et le pouvoir d’achat - elle compte sur les directions syndicales pour l’aider à limiter encore plus les hausses salariales, en jouant sur la peur d’un retour de la droite (proposition d’une conférence salariale) .
La montée dans les sondages de Bayrou, vieux routard de la droite, reflète un rejet du jusqu’auboutisme réactionnaire de Sarkozy, mais aussi une déception à l’égard de la politique du précédent gouvernement socialiste.
Il fallait absolument une candidature unitaire de la gauche antilibérale. La demande était immense. L’unité a été cassée par le sectarisme du courant majoritaire de la LCR, et par les méthodes d’un autre temps de Marie Georges Buffet. Lorsqu’elle a déposé, le 16 mars, 800 signatures de maires, alors que Besancenot et Bové peinaient à réunir les 500, on a vu ce que valaient ses désirs d’unité…
La direction de la LCR l’a aidée en suivant un chemin sectaire. Au lieu d’une implication active dans un front électoral au sein duquel il y avait toute liberté d’exprimer des nuances et des mises en garde (contre une nouvelle gauche plurielle entre autres), elle a préféré insister sur des «divergences» . Surtout sa vision – on ne peut s’unir que si tous promettent de ne jamais entrer dans un gouvernement PS – est celle de la politique par en haut. Ce qui compte ce sont les milliers de militants avec qui la LCR dans son ensemble aurait pu travailler et – surtout en cas d’éventuelles trahisons de dirigeants PCF – auxquels elle aurait pu démontrer l’intérêt de l’analyse révolutionnaire.
Qui plus est, l’analyse des divergences de la part de la direction de la LCR était parfois extrêmement tirée par les cheveux – qui croit vraiment que le rêve de José Bové est de devenir ministre de Ségolène Royal? Ou qu’il pourrait surgir de la campagne Bové un culte de la personnalité? Depuis l’annonce de la campagne Bové, les critiques sectaires fusent dans les milieux LCR. Entre temps, Bové déclare (le 19 mars) « Ma candidature, collective, est celle de tous les citoyens qui veulent changer vraiment la vie et qui ne font confiance ni à la droite antisociale ni à la gauche social-libérale pour engager la révolution sociale, féministe, démocratique, anti-raciste et écologique. » La direction de la LCR peut-elle vraiment prétendre qu’un travail commun était impossible ?
Leur erreur de perspective combinait un certain sectarisme identitaire avec un électoralisme. Les quelques pour cent de suffrages qu’on pouvait grignoter à l’aide d’un candidat vitrine de nos positions leur semblaient plus importants que la construction de réseaux de militant(e)s, garanties pour les durs combats sociaux et politiques à venir.
Les meetings organisés autour de la campagne de José Bové furent plus intéressants. Des meetings de masse, des appels à «l’insurrection électorale», une large participation d’associations des quartiers populaires–ils sentaient le combat plus que le positionnement médiatique.
La crise de la gauche antilibérale est profonde, mais présente une occasion historique. Les Communistes unitaires s’organisent et s’adressent ouvertement à ceux qui se reconnaissent dans l’idée communiste, adhérents au PCF ou non. Une minorité de la LCR et des Verts refusent d’enterrer l’unité. Le potentiel d’un nouvel espace politique qui peut à terme donner lieu à un nouveau parti anticapitaliste est réel.
Les deux victoires de ces dernières années (défaite du traité européen ultralibéral et du Contrat Première Embauche) ont politisé des dizaines de milliers de personnes, dont la majorité ne se retrouve pas dans les organisations éparpillées de la gauche antilibérale.
A Socialisme International, même si la plupart de nos camarades sont à la LCR, nous avons pensé que la présence d’une candidature unitaire était indispensable, c’est pour cela que nous nous impliquons au maximum dans la campagne Bové.
Autour de cette campagne pour une gauche radicale unitaire, il faut, d’urgence, élargir et approfondir l’organisation de réseaux structurés pour les législatives, et surtout pour les différents combats dans les mois à venir. Que nous nous retrouvions en juin avec un gouvernement UMP ou PS, les contre-réformes néolibérales attendent, certaines ayant été mises en veille après la raclée qu’ont reçue gouvernements et patrons sur le CPE.
Une telle priorité de l’unité ne signifie évidemment pas taire les désaccords, et les révolutionnaires ont toute leur place dans les mobilisations et les débats qui marqueront la prochaine période.